Didier Coste: Si la plupart des marques de bicross ont leur siège en Californie, bien souvent leurs locaux modernes n'abritent que des services administratifs. La production elle-même étant parfois faite au Japon et plus souvent à Taïwan. GT, une des plus grandes marques et des plus réputées se vante de proposer des produits mode in USA. Pour nous le prouver les dirigeants nous ont ouvert les portes de deux de leurs trois usines. | |
Deux heures ! Nous avons tourné deux heures entières dans Huttington Beach avant de trouver le 5422 Commercial Drive, siège social officiel de la société. Massias commençait à désespérer et je n'étais pas loin de l'approuver. A une heure au sud de Los Angeles se trouve Huttington Beach, un des hauts lieux du surf, et, dans notre optimisme forcené, nous n'avions pour nous retrouver dans ce pays que l'adresse. Pas la moindre carte, pas de plan. Il faut dire que nous imaginions GT si important que nous devions immanquablement découvrir ce temple du bicross de l'autoroute, dépassant de toutes Ces constructions basses comme la tour Eiffel sur le Champ de Mars. Au pire on demanderait. Que dalle ! Personne ne connaissait GT, pas plus que Commercial Drive. On a compris plus tard. Cette petite rue coincée dans une zone industrielle ne fait pas plus d'une centaine de mètres de long... Nous y avons trouvé un bâtiment bas, moderne et anonyme. Aucune inscription sur les murs. Seule la présence du célèbre Dodge et de sa caravane aux couleurs GT nous indiquait que nous avions touché au but. Une porte vitrée pour accéder dans l'entrée garnie de trophées gigantesques une seconde porte pour arriver au pied de la standardiste. « Oh, Begross Magazine ! Yeah ! » Quel enthousiasme. C'est évident, ils ne nous attendaient plus. On doit faire figure de revenants. On se regarde mutuellement. Evidemment, on pourrait être plus frais. Trois heures de voiture pour faire 70 km, ajoutées au seize heures de vol, nous avons atterri la nuit même, ne nous valent pas le regard vif. Shawn Ruckley le jeune responsable des relations publiques nous fait asseoir un moment. Il nous explique que Richard Long et Gary Turner vont nous recevoir successivement avant que lui-même nous fasse visiter les il deux usines comme prévu. Super programme. Ces deux associés qui affichent la quarantaine an bonne santé se sont répartis des responsabilités très différentes, mais complémentaires. Richard Long est manifestement le gestionnaire, le commercial et se tient dans l'usine la plus récente où est effectuée la finition des GT. Gary Turner est le technicien du duo. C'est l'homme des prototypes, des études, de la conception et de la fabrication, et en tant que tel, il règne dans une autre usine distante d'environ deux cents mètres, qui abrite également les fringues Dyno dont s'occupe Bob Morales. Voilà, le décor est planté. Richard Long, haute stature, bonne humeur de circonstance, c'est très ricain, nous invite à passer, Patrick et moi, dans la salle de conférence an compagnie de Shawn Buckley, pour un entretien. Comme je ne sais rien vous cacher, eh bien figurez-vous qu'on a parlé... bicross. BXM: GT est une compagnie importante, quand et comment a-t-elle démarré ? Richard Long: Il y a une douzaine d'années, j'avais un magasin de cycles spécialisé dans le haut de gamme. Gary lui travaillait dans une usine d'instruments de musique, et à ses heures fabriquait des cadres pour son fils qui participait aux premières courses de bicross. Pour promouvoir les ventes de mon commerce, j'ai décidé de m'intéresser à la course et au bicross. C'est donc sur un circuit que j'ai rencontré Gary. Nous avons discuté et je lui ai proposé de lui acheter sa maigre production. A l'époque, il assemblait trois voire quatre cadres par semaine dans son garage. Il faisait déjà des produits de bonne qualité avec un super design. Il s'est écoulé environ six mois pendant lesquels la demande n'a cessé de croître. Comme lui fabriquait et que je vendais ses produits nous avons décidé de nous associer et de créer la marque « Gary Turner BMX » devenue par la suite GT-BMX. Voilà comment de quatre cadres par semaine on est passé à 70 000 bicross par an ! BXM: En 85 combien de modèles avez-vous dans la gamme ? Richard Long: Nous en avions 5 en 84, nous en avons 5 on 85, mais ce n'est pas exactement la même gamme. Nous avions trois modèles de course, le Mach One, le Team Series et le Pro Series et deux modèles free, le Performer et le Pro Performer. Cette année nous abandonnons le Team Series et nous sortons le Pro World Tour Eddie Fiola haut de gamme Freestyle. BXM: Tous vos modèles sont fabriqués en Califomie? Richard Long: Nous avons trois usines en Californie et trois au Japon. Pour nous. G T doit être synonyme de qualité supérieure « top-top quality » ! C'est pour ça que nous faisons venir les meilleurs composants du Japon. A notre avis ce qui est fait à Taïwan n'a pas les mêmes critères de qualité. Et puis notre clientèle recherche ce que nous leur offrons, du matériel de haut de gamme. Nous n'avons pas la prétention de nous comparer à des firmes comme MBK ou Peugeot qui sont beaucoup plus, importantes que nous. Nous n'avons pas les mêmes moyens, ni les mêmes capacités de production, ni les mêmes objectifs. Nos produits se situent entre le milieu de gamme et le haut de gamme. Eux se situent entre le bas de gamme et le milieu de gamme mais avec des prix très compétitifs. C'est une autre politique. BXM: Combien de bicross fabriquez-vous par jour ? Richard Long: Dans les périodes chargées, jusqu'à 300 par jour. En saison les ouvriers travaillent 10h par jour et 7 jours sur 7. BXM: Quelle est la répartition de votre production par spécialité ? Richard Long: En 84 la plus grosse vente chez GT c'était le Mach One, le premier modèle de la gamme course qui est très compétitif. Par contre, en kit, nous avons vendu davantage de modèles free. Je pense qu'en 85 la répartition des ventes sera équitable 50 % pour les modèles free. 50 % pour les modèles course. BXM: Cela suppose de gros efforts de promotion. Richard Long: Nous avons un team course qui comprend 74 pilotes dont Robert Fehd et Tommy Brackens et en free nous avons des pilotes comme Eddie Fiola, Brian Scura, Martin Aparijo, Dave Breed, Denis Langlais. C'est vous dire que nos efforts sont effectivement équitablement répartis. BXM: A quoi attribuez-vous l'essor du free? Richard Long: Il faut savoir que la majorité des modèles free vendus concernent ce qu'on appelle le « Street Market », alors que la plupart des modèles course, le sont pour disputer des courses. Avant tout cela se partageait un même type de bicross, depuis qu'il y a spécialisation au niveau du matériel, il y a un report logique vers le free. BXM: La France est-elle importante pour vous ? Richard Long: Très importante. C'est un marché dynamique. BXM: Vous avez entendu parler de Bercy ? Richard Long: Je pense bien. .J'y étais. Dites-vous bien que dans ma carrière je n'ai jamais vu un événement de cette ampleur concernant le bicross. Il nous manque l'équivalent aux USA (pour une fois qu'on a quelque chose qu'ils n `ont pas, et qu'ils le reconnaissent. Chapeau !). BXM: Parlez-nous du Tour du Monde GT. Richard Long: c'est une folie qui correspond pour nous à un investissement considérable mais nécessaire. Et puis Eddie est un ambassadeur extraordinaire. Il est chez nous depuis plusieurs années et il vient de resigner il y a 6 mois avec GT pour trois années. Au début le free démarrait et nous ne pouvions consacrer à Eddie un gros budget. Maintenant, cette spécialité s'est développée, grâce entre autres à Eddie Fiola, il est normal qu'il ait le contrat qu'il mérite. En effet, Fiola est un sacré atout pour GT et ils en sont conscients. Avant de visiter en images les deux usines, nous avons pris congé de Richard Long, changé d'usine pour aller terminer la discussion avec Gary Turner. Grand, fort, barbu, Gary Turner nous a expliqué son rôle. Ce qui lui plaît dans le bicross. BXM: Si j'ai bien compris, vous vous occupez plus particulièrement de la technique. Gary Turner: Exact. Tout ce qui est conception design, prototypes, fabrication est mon domaine. Je cherche et je trouve. Pour ça, je travaille en étroite collaboration avec les pilotes. BXM: Comment voyez-vous l'avenir de GT ? Gary Turner: Je suis optimiste. C'est ma 12ème année dans le bicross et j'aime ça. A mon avis, ce qui peut limiter l'essor du bicross c'est le coût de la course. Nous avons des produits de grande qualité à des prix proportionnellement très bas. Pour vous évidemment, il est sûr qu'avec le voyage, les taxes et les frais supplémentaires les GT sont plus chers chez vous en France. Ici le problème n'est pas dans le prix d'achat du bicross, il est dans le coût de participation aux courses. Le pratiquer revient en moyenne à 100$ par mois. C'est énorme. Un kid qui court dans deux classes, il y a huit groupes chez nous, doit verser de 10 à 12 $ par participation. S'il court deux fois par semaine, multiplié par 4, ça fait environ 80 à 90 $ par mois, maintenant multipliez par le nombre de gosses de chaque famille pour trois gosses ça peut faire 250 $ par mois ! Nous vendons le Mach One 230 $ c'est très raisonnable et on s'aperçoit que le prix du matériel est dérisoire par rapport au reste et je n'ai pas évoqué les frais de déplacement. BXM: Travaillez-vous sur de nouveaux modèles ? Gary Turner: Oui en free, avec le Eddie Fiola World Tour. Sinon nous travaillons sur les composants. Notre but est d'arriver à une sorte d'autonomie. Nous avons déjà nos pneus, nos chaînes, nos moyeux, notre potence, nous travaillons actuellement sur les tiges de selle et sur des pédales. Je travaille aussi sur un pédalier 3 pièces qui serait intéressant au point de vue prix sans pénaliser la qualité. Nous travaillons également sur de nouveaux repose-pieds de free. BXM: Le poids est un argument capital pour vous. Gary Turner: Il est important pour les petits, négligeable après. Mais nous essayons d'avoir plusieurs tailles de cadre. Pour qu'ils s'adaptent aux différentes morphologies. La seule chose qui ne change pas c'est notre soucis de la qualité. BXM: Combien de temps mettez-vous pour fabriquer un bicross ? Gary Turner: Dix minutes environ. Mais venez plutôt visiter l'usine. Vous allez comprendre... |